Toutes les métaphores ont été filées pour parler de Borges.Il est
insensiblement devenu un autre nom pour celui de littérature. Le bibliothécaire aveugle de la Bibliothèque nationale de Buenos Aires, le narrateur de ses doubles et de ses oeuvres suspendues à la mémoire de la fiction, le familier des labyrinthes semblait avoir déjà quitté la terre de son vivant. Borges était devenu «cosmopolite», il avait déjà atteint l'éternité et la Suisse.
Dès 1984, il méditait avec Jean-Pierre Bernès le plan de ses oeuvres complètes pour la France. Elles devaient offrir un nouveau parcours dans le dédale de son oeuvre. La parution du premier tome en 1993 offrait un autre Borges que celui que la patrie de Mallarmé, Gourmont, Schwob et Valéry s'était construit. On y découvrait le Borges ultraïste et surtout le Borges journaliste et chroniqueur. Ce second tome, qui couvre la période de 1960 à 1985, vient compléter les traductions précédentes de quelques inédits, notamment la Mémoire de Shakespeare, mais on n'y retrouvera pas les oeuvres écrites en collaboration (Bioy Casares, etc.), Borges les ayant écartées délibérément, de même que la masse considérable d'entretiens qu'il accorda. Aussi, ce volume, malgré l'excellent travail éditorial de Jean-Pierre Bernès, a-t-il parfois la solennité d'un tombeau et nous en apprend un peu plus sur l'image de la France qu'avait Borges. Il s'ouvre sur l'Auteur et se referme sur la sobre allocution à l'Académie française en 1983: «Je suis plein de gratitude d