Ils sont tous là, le 20 juin, pour inaugurer l'exposition consacrée
à Borges à l'Ecole nationale des beaux-arts. De jeunes femmes en tee-shirts imprimés «Borges» accueillent à l'entrée sur un air de tango. Borges, lui, préférait, dit-on, les grandes femmes en tailleur noir. Mais enfin, bienvenue à Borgesland! Dans les vitrines, on suit la vie de Borges de photos en objets, d'éditions en manuscrits, par pays et par thèmes. La vitrine «Des miroirs à la renommée» est dominée par un grand miroir (qui ne semble pas avoir appartenu à Borges). Dans celle «De l'Orient au mystique», il y a une «cuillère en porcelaine chinoise avec un "canji au centre, utilisée par Borges pour prendre la soupe orientale qu'il appréciait beaucoup». On remarque aussi un «petit plat en terre cuite remis à Borges par des moines taoïstes au temple d'Ise, à Izumo, et destiné à la purification», des médailles, des éperons de gaucho, trois «cannes ayant appartenu à Borges», un portrait ancien en émail de Swedenborg, philosophe mystique qu'il aimait, ou un minuscule sanglier en bois: 1899, année de naissance de Borges, est dans l'horoscope chinois l'année du sanglier.
La veuve, Maria Kodama, est là. Elle a dirigé l'exposition, qui vient d'Argentine. Elle a les cheveux blancs, désormais. On peut la comparer avec ce qu'elle fut: elle est en vitrine sur de nombreuses photos. Souvent, elle y sourit. Sa frêle silhouette et ce sourire ne peuvent faire oublier qu'on entend sur elle, dans la salle qui résonne trop, de