«Laurent Mauvignier est né en 1967. Il vit à Tours. Loin d'eux est
son premier roman», c'est tout ce que dit l'éditeur de son auteur, dans sa présentation à la presse, au pied d'une photographie où le jeune homme a l'air très triste et beau sous l'objectif.
Loin d'eux dit l'histoire d'un jeune homme, Luc, qui aime les affiches de cinéma, fumer, ne rien faire. Il vit en province, près d'Orléans, entre son père Jean et sa mère Marthe, son oncle Gilbert, sa tante Geneviève. Il a une cousine, Céline, jeune et veuve. On ne peut rien dire du livre en commençant ainsi, il n'y a pas d'histoire, les gens malheureux n'ont pas d'histoire. Les gens malheureux se savent pas toujours qu'ils sont malheureux avant que l'un d'eux ne meure, ne savent pas toujours qu'ils se taisent avant que l'un d'eux ne se mette à hurler. On peut dire que Luc s'en va travailler à Paris, serveur dans un bar de nuit, on peut dire qu'il donne des nouvelles, on peut dire qu'il n'en donne plus guère. Qu'il est «loin d'eux». Il se tait. Il se tue. On ne comprend pas. Personne ne comprend, ce serait trop facile, avoir le droit de comprendre sous prétexte qu'on est malheureux, trop facile d'attendre du deuil une quelconque lucidité, une parole pour soi. Etre malheureux ne donne droit à aucune consolation.
Dire cela ne dit pas le livre, ne dit pas tout le livre, permet seulement de s'en approcher. D'être assez près pour l'entendre: toutes ces voix, ces six voix qui parlent chacune leur tour, même si ce n'est pas leur