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Libération
Interview

L'étrier mongol. A 77 ans, Jean Chesneaux cultive toujours un art politique du dépaysement. Entretien. JEAN CHESNEAUX, L'Art du voyage, Bayard Editions, 290 pp., 130 F. Carnets de Chine, La Quinzaine littéraire/Louis Vuitton, 270 pp., 140 F.

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publié le 27 mai 1999 à 1h11

Jean Chesneaux reçoit chez lui, juste à côté du Jardin des Plantes à

Paris, dans son «cadre de travail» comme il dit, où il retourne après ses voyages avec, en souvenir, de rares objets, tels ces étriers mongols qu'il montre avec tendresse et, surtout, l'un de ces gros cahiers de route, robuste, le dos en tissu, rempli de notes, de croquis, de cartes postales et de coupures de presse. Le modèle en a été le journal de Bertolt Brecht tenu à Hollywood, pendant la Seconde Guerre mondiale. Enthousiaste, l'ancien professeur d'histoire à la Sorbonne, spécialiste de la Chine contemporaine, montre ses 25 cahiers, les ouvre, comme pour prouver que son demi-siècle de voyage a bien eu lieu: Marseille-Alexandrie-Inde-Chine, 1947-1948, le tour fondateur, puis Grenade-Malaga-Gibraltar, Chili-Pérou-île de Pâques, Australie-Nouvelle-Zélande-Nouvelle-Calédonie, Mexique-Panama-Brésil, et mille autres dans tous les continents" et encore la Chine, en 1988, 1995 et 1998, dont les Carnets sont publiés aujourd'hui en même temps qu'un essai plus philosophique sur l'Art du voyage.

Qu'est-ce que l'art du voyage?

Le cheminement. Dans cheminement, il y a l'idée d'un mouvement dans l'espace. Le voyage ne doit pas viser une sédentarité de substitution, au sens de s'installer ailleurs et d'y rester. Un séjour à l'étranger, ce n'est pas voyager mais planter ses racines, accommoder, comme disent les opticiens. Voyager demande un perpétuel renouvellement des lieux, des situations, des regards. J'attache une trè