Antifasciste, fils de prolo, fouille-merde estampillé du «A» de Anar
sur le biceps gauche, longues jambes un peu gauches, amateur de bière" C'étaient les caractéristiques sommaires de Gabriel Lecouvreur, alias le Poulpe, inscrites dans la «Bible» destinée aux auteurs putatifs d'un épisode du polar libertaire publié sans désemparer pendant quatre ans par les éditions Baleine. Traits idéologiques assez nets pour faire du héros récurrent un anti-SAS de choc, mais assez flous pour que ses faits d'armes, écrits de main en main, lui donnent toute latitude de canarder large. En 140 feuillets, le narrateur devait propulser Lecouvreur dans «les désordres et les failles apparents du quotidien» à partir d'un fait divers révélateur d'un monde où le ventre de la bête immonde est toujours fécond, quitte à ce que le justicier se paye sur la bête au passage pour rafistoler un vieil avion de la guerre d'Espagne. Mais le bréviaire n'avait pas prévu qu'après avoir accompli des miracles (700 000 exemplaires vendus sur quatre ans), le Poulpe finirait par imploser, laissant au passage sur le carreau quelques mercenaires de la plume. Faute d'avoir pu remettre un peu d'ordre dans les comptes de ses propagandistes, entre deux expéditions punitives, Lecouvreur s'est retrouvé chômeur et la Baleine sur le sable, mise en redressement judiciaire fin 1998. Comment un tel soufflé éditorial a-t-il pu se dégonfler? La question vaut bien un additif aux cent volumes publiés. D'autant que le suspense persiste: