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Interview

Taguieff: «On choque toujours un Billancourt ou un Neuilly» Racisme, révisionnisme, eugénisme, antisémitisme: philosophe et historien, Pierre-André Taguieff s'explique sur son parcours d'explorateur des faces sombres de la modernité politique.

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publié le 10 juin 1999 à 23h27

Directeur de recherches au CNRS, auteur d'une dizaine d'ouvrages qui

tournent tous autour du racisme, de l'antisémitisme ou de l'extrême droite, Pierre-André Taguieff travaille depuis vingt ans en philosophe, en sémioticien et en historien sur ce qu'il appelle «la face sombre de la modernité en politique». A l'occasion de la publication, sous sa direction, de l'Antisémitisme de plume (1940-1944), étude autant qu'anthologie de la propagande antijuive dans la France occupée, ce chercheur à la fois érudit et engagé, dont l'indépendance d'esprit a parfois dérangé, revient sur son itinéraire et ses travaux.

Pourquoi avez-vous autant focalisé vos recherches?

L'antisémitisme, le racisme, le révisionnisme (ou négationnisme), l'eugénisme ou le nationalisme xénophobe me semblent très significatifs de cette modernité (l'envers du décor), mais ils n'avaient pas été étudiés de manière systématique, ni selon les exigences du travail universitaire. Il y avait, bien sûr, d'importants travaux d'historiens, je pense notamment à ceux, en France, de Léon Poliakov, mais tous me laissaient une certaine insatisfaction parce qu'ils ne proposaient aucun modèle général d'explication. J'ai donc essayé en philosophe, autant qu'en historien ou en sociologue, de comprendre les phénomènes complexes que sont tous ces mauvais «ismes», d'inscrire leur étude dans un cadre théorique rigoureux. J'ai fait des études de philo dans les années 60 à Nanterre, centrées sur la phénoménologie, avec Levinas, Ricoeur, Lyota