«Je ne suis pas un philosophe, mais un saint, peut-être un fou».
Admettons que, dans la modernité, George Bataille «occupe une place unique, inassimilable», sise au croisement de l'acte littéraire, de la philosophie et de l'expérience mystique, exactement en ce point «qu'il ne cessera de désigner par le terme surdéterminé d'"érotisme ou encore d'"expérience intérieure». Admettons aussi que son obstination a été de mettre à vif quelque chose comme la «Chose» de Lacan objet innommable du désir ou encore cette sexualité de la pensée dont la philosophie et la science ne voudraient rien savoir. Que dit dans ce cas l'hostilité d'un Sartre à son l'égard? Pourquoi Sartre ne peut-il pas supporter que Bataille se déclare «saint», lui qui a fait Jean Genet «saint, comédien et martyr»? C'est par l'analyse d'une telle «hostilité» que s'ouvre le Dieu des écrivains de Bernard Sichère, professeur à l'université Denis-Diderot (Paris-VII), auteur, entre autres, de Merleau-Ponty ou le corps de la philosophie, de l'Eloge du sujet ou des Histoires du mal.
Qu'on n'imagine pas qu'il y soit question d'un différend «personnel» entre Sartre et Bataille, ni que le Dieu du titre renvoie à quelque religion de la littérature ou, encore moins, à une littérature religieuse à laquelle appartiendraient des écrivains qui, contrairement aux philosophes, n'auraient pas entendu Nietzsche crier «Dieu est mort». Sartre (mais on croise aussi Heidegger, Lacan ou Nietzsche) et Bataille (puis Proust, Jouhandeau et