En publiant fin 1992 les Morsures de l'aube (que nombre de ses lecteurs regardent encore comme son meilleur roman), Tonino Benacquista faisait à l'hebdomadaire Télérama cette vigoureuse proclamation: «Le roman noir est le seul genre de littérature populaire vraiment généreux qui ne prenne pas ses lecteurs pour des crétins.» Six ans plus tard, le même abandonnait formellement le genre pour publier dans la blanche NRF de Gallimard Saga, où la réalité du monde s'appréhendait via sa médiation télévisuelle, et qui allait connaître un destin de petit best-seller (1). L'essence du polar - celui qui, durant une vingtaine d'années (en gros, les années 70 et 80) et derrière Jean-Patrick Manchette, se préoccupait de mettre du social dans ses intrigues de caniveau chandlerien - s'y diluait un peu plus. Ne demeure aujourd'hui, comme moteur du genre, qu'une velléité de marge, exacerbée par le relâchement d'une écriture ayant abandonné toute ambition. Et de ce délitement, on ne saurait faire reproche à Tonino Benacquista, non plus qu'à tous ses congénères, enfants de leurs temps apolitiques et neveux de Pennac - le premier polardeux blanchi par la NRF. A défaut de matière première, sans doute une culture et un authentique désir de littérature manquent-ils pour que la générosité du roman noir s'exprime en d'autres termes que de voeux pieux et de bons sentiments (2).
Un peu de temps a encore passé, et il faut s'y résoudre: le gentil Tonino, statufié pour les raisons de la cause en ve