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Libération
Critique

Leskov tiré par les chevaux. Un coiffeur empêché de vivre son amour, un homme excité par les hennissements: parution de deux volumes de Nikolaï Leskov (1831-1895), perpétuel écrivain d'avenir. Nikolaï Leskov, Psychopathes d'autrefois, Traduction, présentation et notes de Bernard Kreise. Ombres, 160pp., 90F. Le Paon, Traduction, avant-propos et notes de Jacques Imbert. L'Aube, 104pp., 69F.

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publié le 17 juin 1999 à 23h15

La durée est un élément capital de l'oeuvre de Nikolaï Leskov. Ce

n'est qu'à la longue que les originales particularités de ses personnages deviennent des traits de caractère. Il fallut même du temps à son travail pour s'imposer dans la culture russe. Né en 1831 et mort en 1895, l'auteur de Lady Macbeth au village fut à la fois antinihiliste et anticonservateur, conservant peu d'alliés. Maxime Gorki dit pourtant ce qu'il lui devait et Tolstoï, à sa mort, déclara: «Le temps de Leskov n'est pas encore venu. Leskov est un écrivain de l'avenir.» Il est vrai que ses textes traduits aujourd'hui semblent encore parler de l'URSS et de la Russie post-soviétique.

Dans le Paon, la rigueur d'un majordome au service d'une propriétaire cruelle deviendra au fil des pages le signe d'un sens inaltérable de la justice, et son malheur naîtra de ce beau sentiment. Dans Idée-fixe, la première des trois nouvelles du recueil Psychopathes d'autrefois, Alexandre Afanassiévitch Ryjov a une caractéristique qui sème la stupéfaction: il refuse les pots- de-vin, et il persiste dans cette honnêteté au fur et à mesure qu'il grimpe dans la fonction publique, même quand on lui explique que «la loi, c'est comme un cheval: il faut la faire aller là où on en a besoin». Ce sens de la justice si peu familier à ses concitoyens et ses supérieurs ne risque-t-il pas de mettre le système en péril? Provoquera-t-il sa chute ou sa promotion? Dans l'Artiste en postiches, un coiffeur est empêché de vivre convenablement son h