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Critique

Pelevine, les nouvelles vont vite. Une rafale de courtes fictions par l'auteur de «la Mitrailleuse d'argile» où on passe volontiers les frontières entre vivants et morts. Viktor Pelevine, Un monde de cristal, Nouvelles traduites du russe par Galia Ackerman et Pierre Lorrain, Seuil, 192 pp., 98 F.

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publié le 17 juin 1999 à 23h15

Viktor Pelevine est un farceur, un farceur tragique. Ses grands

romans, au souffle large, puissants, baroques, russes pour tout dire, laminent les lecteurs, les épuisent, et les laissent exténués dans des soubresauts dont ils ne savent pas trop s'ils les doivent à des sanglots échappés, des rires apoplectiques ou bien les deux. Plutôt les deux.

Avec les six nouvelles de ce Monde de cristal, sélectionnées dans deux volumes différents publiés à Moscou il y a trois ans, Pelevine revient à la charge, avec ses assauts de rires et de larmes mêlés, à ceci près que le format de la nouvelle permet de reprendre son souffle (sinon ses esprits) entre deux salves. L'ordre dans lequel les nouvelles sont publiées ici est le choix de l'éditeur français (les nouvelles impaires appartiennent au premier volume russe, les paires au second) qui, en fin gourmet, a gardé pour la bonne bouche un petit texte délicieux, «le Réverbère bleu».

La première nouvelle qui donne son titre au recueil, Un monde de cristal, semble sortie du dernier roman de Pelevine, la Mitrailleuse d'argile, Iouri et Nicolaï montent la garde à Petrograd le 24 octobre 1917, ils sont chargés d'interdire l'accès de Smolny à toute personne dépourvue de laissez-passer, ils y parviennent mollement, tout concentrés par le ravitaillement en cocaïne de leurs narines, quelques injections d'éphédrine, la déclamation de vers classiques et la philosophie de garnison: «Le plus intéressant, poursuit Iouri, est que, généralement, l'homme est inc