Karadj,envoyé spécial.
L'Iran est un pays de science-fiction. On y traverse des mondes parallèles. Avec ses chromes qui brillent comme des éclairs sous la pluie battante, la grosse américaine, qui file sur Karadj (à 40 km de Téhéran), semble s'être échappée d'Hollywood. Derrière le chauffeur, il y a bel et bien un producteur de cinéma (1). Cheveux longs, foulard, bagues en or et colliers, tout ce que l'ordre islamique s'évertue à proscrire en Iran. Karadj, ville dortoir où s'entasse une population nombreuse et fatiguée, est sans grâce aucune malgré le jaillissement proche des hauts massifs de l'Elbrou. Laideur des avenues rincées par l'averse, balayées par le vent qui fouette les femmes en noir, accablées de sacs et de paquets, et bouscule les tchadors. Au bout d'une rue, un compound pour riches Iraniens, protégé par une barrière et des vigiles. Et puis, de grandes villas ni belles ni moches. L'une est celle d'Ahmed Chamlou. A peine entrés, le producteur, grâce auquel a pu se faire la rencontre, et le chauffeur se précipitent pour lui baiser les mains. Il leur demande de se relever. «Arrêtez, je ne suis pas un akhound (religieux).» La poésie, cependant, Chamlou l'a élevée au rang d'une religion. Et les Iraniens ont pour lui une telle ferveur qu'elle apparaît presque sacrée, rappelant celle que le peuple de Paris manifestait autrefois pour le Victor Hugo des dernières années. En Iran, on offre des poèmes de Chamlou à un amour, à un ami, pour un anniversaire. A Téhéran, ses l