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Libération

Face aux piles : L'argent de la vieille.

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publié le 1er juillet 1999 à 23h43

A propos de Mary Higgins Clark, citons un chiffre, un seul, à la seule fin de donner une idée, une idée globale, de ce dont on parle: 250 000 000 (deux cent cinquante millions) d'exemplaires vendus (1). Avec elle, le divertissement (entertainment) modélisé par la tuyauterie câblo-satellitaire a trouvé, sur support papier, son équivalent audimat: Mary Higgins Clark est de ce calibre qui met l'écrivain au tarif du footballeur professionnel, et l'ambition littéraire au niveau d'une série d'AB Productions. On serait naïf, sans doute, de s'en offusquer. Tout au plus s'autorisera-t-on à sourire lorsque l'intéressée invoque pour son «oeuvre» le parrainage d'une Patricia Highsmith. C'est à ces détails que s'apprécie le genre d'arnaque qui fait le charme de nos métiers fatigués.

On verra dans quelques paragraphes comme il n'est pas nécessaire à Mary Higgins Clark d'avoir du talent, quand sa raison d'être n'est que d'avoir des lecteurs. Deux cent cinquante millions, disions-nous, et c'est merveille que ce chiffre, duquel il semble de bon ton d'inférer quelque légitimité à une littérature opportunément qualifiée de populaire. (On voit d'ici l'estime que portent au peuple et à la littérature les gens qui emploient ces mots-là.) De fait, le dossier de presse Higgins Clark est plein de ces papiers extatiques et tissés des fleurs déposées aux pieds de la madone des piles internationales (2) ­ papiers ramasse-miettes de sa success story, d'une complaisance obscène comme une visite à une viei