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Libération
Critique

Galop des sexes

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A travers des lettres d’hommes adressées à Ménie Grégoire, confidente sur RTL, la naissance au forceps du sexe roi dans la France frustrée des années soixante.
publié le 1er juillet 1999 à 23h53

Lorsqu’en 1967, le directeur de RTL proposa à Ménie Grégoire de donner la parole aux femmes et aux hommes de France, il n’imaginait pas quelle avalanche il déclenchait. 100 000 lettres, déposées par Ménie aux archives départementales de Tours, attestent du succès d’une entreprise menée jusqu’en 1981. Elles font d’ores et déjà le bonheur des historiens qui y découvrent un étonnant gisement de témoignages sur les frustrations et les aspirations de ce temps. Gisement inexploité: faute de moyens, la plupart de ces lettres ne furent jamais ouvertes, et les plaintes jamais entendues. Ce qui est rétrospectivement mélancolique et illustre la difficulté de la communication contemporaine. Première à nous livrer ses trouvailles, Marie-Véronique Gauthier a choisi la couche la plus restreinte des lettres d’hommes, soit 10 000 lettres dont elle a sélectionné un millier, reçues entre 1967 et 1969, dans l’espoir d’y déceler l’impact de Mai 68. Espoir déçu: l’événement est ici à peine perceptible. Ce qui est sensible, c’est l’hésitation du ton, la disparité de propos qui s’entrechoquent, traduisant insatisfaction et désarroi, comme en toute période où s’accuse le conflit des générations. La raideur extrême des années 50, si peu libérées, coexiste avec une hardiesse qui se cherche. La famille, revigorée par Vichy et la reconstruction, demeure l’horizon de cette société corsetée. Elle repose sur le mariage, traditionnel par ses règles, mais travaillé par l’investissement affectif dont il est