Los Angeles, correspondance
Surréalisme gros malin servi sur porcelaine de qualité»; «la pire déception littéraire du siècle»; «une honte»; «haute trahison»; «Harris vire Ian Fleming»; «j'ai adoré ce beau roman malade»: les langues n'en finissent plus de se délier, défendre ou vitupérer dans les chat-rooms d'Amazon.com depuis que Delacorte a massivement sorti aux Etats-Unis la suite du Silence des agneaux, attendue par la moitié de la planète depuis près de onze ans avec les mêmes ferveur et curiosité exhibées par les frappés de Star Wars . Amazon donne forum à plus de 1700 avis de lecteurs tiraillés ou tirailleurs. C'est une rogne, un cri du coeur monté de la base, sans commune mesure avec le «lancement» du livre, qui a été pratiquement inexistant. On sait que Thomas Harris ne donne jamais d'interviews et n'ira pas à l'émission d'Oprah, le tremplin télévisé national; mais c'est tout juste si l'éditeur, qui pourtant a fait un placement initial d'un million trois cent mille exemplaires pour le premier tirage, a pu faire circuler des épreuves à l'avance. Remis à Delacorte le 23 mars dernier, le manuscrit a en effet moins été édité qu'imprimé: Harris avait interdit, par contrat, qu'on en change un seul mot. Depuis le 8 juin, date de la parution, le pataquès n'en finit pas. Non seulement bon nombre de lecteurs s'insurgent contre la fin (assurément gonflée, bien qu'inévitable, quand on y réfléchit), mais ils semblent digérer la nouvelle prose de Harris encore moins que la cervell