Du pangermanisme, on connaissait les grandes lignes. On en savait
l'objet la réunion ethnique de tous les Allemands en un seul pays , et le programme d'expansion continentale et coloniale, porté à compter de 1890 par la Ligue du même nom. Ses grandes figures étaient connues, fondateurs comme Alfred Hugenberg ou Karl Peters, idéologues comme Ernst Hasse, Paul Samassa et surtout Heinrich Class, qui dirigea le mouvement de 1908 à 1939. Surtout, on savait combien ses thèses, longtemps limitées aux seules élites intellectuelles ou conservatrices, avaient été nationalisées par la Première Guerre mondiale. Exploitant les ressources des archives fédérales de Postdam et les acquis d'une historiographie allemande peu connue en France, Michel Korinman vient pourtant aujourd'hui, dans un imposant et très érudit ouvrage (près de 300 pages serrées de notes et de références), renouveler la connaissance de ce mouvement. Le livre vaut d'abord par la plongée qu'il propose au coeur d'un système de représentations, sondé au travers d'une lecture minutieuse des livres, discours, articles ou correspondances des principaux acteurs du mouvement. Outre la vigueur d'une conception organique de la germanité, on peut y lire un attachement critique au Reich bismarckien, coupable d'inachèvement, une vision tragique de l'histoire et du monde, qui les entraîne à penser le destin de l'Allemagne sur le mode de la dépossession, et surtout une conception ethnique de la politique, soucieuse d'instituer la di