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Libération
Critique

Lettres piégées. Un roman épistolaire et vengeur de 1938 entre un juif exilé et son associé nazi. Kressmann Taylor, Inconnu à cette adresse, Traduit de l'anglais (américain) par Michèle Lévy-Bram. Autrement, 60pp., 49F.

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publié le 1er juillet 1999 à 23h53

En 1938, quand il est sorti en revue puis, devant son succès, en

volume, ce bref roman épistolaire a pu faire l'effet d'un livre de science-fiction. Il s'agit d'un échange de lettres entre Max Eisenstein et Martin Schulse, amis associés dans une galerie d'art mais désormais séparés, puisque le premier, juif, est resté à New York tandis que le second est installé à Munich. L'histoire se passe entre 1932 et 1934. D'abord inquiet de l'arrivée au pouvoir de Hitler, Martin ne tarde pas à lui trouver mille qualités. Max lui confie le soin de sa soeur, en tournée en Allemagne. Grave erreur. Martin Schulse, comme son Führer, ne raffole pas des juifs.

Le lecteur de 1999 pourrait au premier abord prendre Inconnu à cette adresse pour un document sur le glissement de l'Allemagne hors de la démocratie. Mais c'est surtout un texte romanesque puisque, à force de lettres, Eisenstein se venge de Schulse d'une manière proche de celle du scénario de Brechtpour le film de Fritz Lang Les bourreaux meurent aussi. Au demeurant, l'approche sociale du livre a, en soixante ans, autant changé que l'approche politique, si on en juge par la postface de cette édition, qui doit dater de l'édition américaine de 1938 et que le plus machiste des préfaciers n'oserait plus écrire ainsi: «L'auteur de ce livre, Kressmann Taylor, est une femme, une épouse, une mère de trois enfants. Entre 1926 et 1928, elle fut correctrice-rédactrice dans la publicité. Depuis, à part quelques satires en vers écrites, à l'occasion