Fred Deux n'a pas que deux vies. Il dessine et il écrit. Il a commencé par des taches, les formes sont venues plus tard mais sont restées organiques, comme par extension de la fermentation intérieure, humeurs, traces nourries de sperme, de pus, sang d'encre. On ne sort pas de la condition humaine. Presque en même temps, il s'exerce à plonger dans le récit de son passé: «J'ai su très vite que les mots ancraient.» Quand il a commencé à écrire, il a maintenu les plaies ouvertes, caressé de la langue et des ongles gerçures, croûtes et ulcères, dragué le merdier.
«Eboueur de ma vie», écrit-il dans son Journal. Jusqu'au cou, jusqu'au coude, dans l'écriture et le dessin, les deux activités se repoussent et s'attirent. Deux résume: «J'ai allumé un double-feu». Son premier livre, la Gana, publié sous le pseudonyme de Jean Douassot par Maurice Nadeau en 1958 (chez Julliard, collection des «Lettres Nouvelles»), a été suivi de Sens inverse, de la Perruque. L'autobiographie, à présent, roule au jour le jour. «Encore une fois, je dois dire ici combien tenir ce journal m'a ébranlé. Je veux dire combien avoir retourné ma terre m'a fait bouger. (") Le dessin n'est plus ce qu'il était. Il se creuse, se plie sous mes mains, se dresse, obtient de moi ce qu'il veut puis s'efface, disparaît, laissant une place vide. Le journal n'est pas une ponctuation. Il enserre, ou bien il scelle la vie. Sans doute la mienne car je suis bien incapable d'inventer.»
Il est né en 1924 à Boulogne-Billancourt. Son pè