«Ce n'était pas Moberg qui avait besoin du cinéma. C'est le cinéma
qui avait besoin de Moberg.» Avec neuf livres adaptés au cinéma, seize à la télévision, Moberg, peintre de l'âme suédoise populaire, était incontournable. Bengt Forslund, producteur des films les Emigrants et le Nouveau Monde, a écrit l'an dernier un ouvrage (1) sur lui. Pour Moberg, explique Forslund, «le mot passait avant tout, le mot était sacré». D'où des rapports houleux avec l'industrie du cinéma qu'il accusait dès les années 30 de mercantilisme. Moberg était ainsi. Un conteur, l'un des écrivains les plus lus de Suède, et un homme de combat, avec des livres sur l'avortement, l'occupation nazie du Danemark et de la Norvège ou les dérives judiciaires. Il avait démarré comme localier dans un journal de Växjö, dans le sud. Il passait ses moments libres à écrire des pièces de théâtre et en profitait pour dénoncer les édiles locaux. Plus tard, il se fait le pourfendeur de l'abus de pouvoir, de la corruption et du goût du secret. L'ancien journaliste se dresse aussi avec virulence contre les dérives de la presse à scandale. Lors du tournage des films de Jan Troell sur les Emigrants, il en devient obsédé, conjurant le producteur de dire aux acteurs de parler de leur divorce si bon leur semble, mais, ajoute-t-il, «dites-leur de la fermer sur le travail du film. Je n'ai pas écrit les Emigrants pour que la presse à scandale puisse vendre de la copie avec des articles idiots sur mes personnages. J'ai peur pour eux.»