A la philosophie de l'art, échoient trois grandes questions:
qu'est-ce que l'art ou quels objets sont des oeuvres d'art? quelle est la nature de l'expérience esthétique? sur quels critères reposent les jugements de goût? Sa tâche, on le reconnaîtra, n'est pas simple, ne serait-ce que parce que chacun, spontanément, met hors jeu ces questions en estimant qu'un jugement d'agrément («j'aime ça», «cela me plaît») suffit à définir «belle» une oeuvre d'art comme il suffit à définir «bonne» la choucroute ou la tarte Tatin. Aussi la philosophie de l'art s'est-elle souvent raidie ou installée en des pics extrêmes: tantôt, dogmatique, elle a fixé des critères censés être aussi «objectifs» que ceux qui permettent d'établir la scientificité d'une théorie; tantôt, exaspérée, elle a jeté le bébé avec l'eau du bain en montrant que l'art n'a plus de définition (n'importe quoi peut être de l'art) et qu'il n'existe plus de critères esthétiques (tout se vaut).
Yves Michaud, professeur de philosophie à Paris-I et critique d'art, reprend pour ainsi dire ces questions «à zéro» et les traite sans ambages dans Critères esthétiques et jugement de goût, un court essai qui concilie assez bien la netteté des prises de position, parfois polémiques, et la clarté pédagogique de l'exposition. Le titre indique déjà que Michaud n'est pas près de sacrifier la notion de critère. Mais il ne revient pas pour autant à des canons absolus, sachant bien que la «situation postmoderne» oblige à se confronter à une «dé-d