Pierre Nora aime à se dire «marginal central». Marginal, il l’est un peu, pour n’être pas devenu un éditeur à temps plein, et avoir conservé son activité d’historien et d’intellectuel. Central, il l’est davantage : si l’on «travaille dans les idées», il paraît difficile de ne pas traverser un jour ou l’autre son «pré carré», dessiné par le Nouvel Observateur, la revue le Débat, dont il est le directeur, l’Ecole des hautes études en sciences sociales, qui l’a accueilli en 1976, et les éditions Gallimard, où il officie depuis trente-cinq ans. Fils de médecin, agrégé d’histoire, ayant fréquenté très tôt l’intelligentsia de gauche, Pierre Nora, né en 1931, a créé chez Julliard, la collection «Archives» puis, chez Gallimard, «Témoins» (l’Aveu d’Arthur London, le Voyage à Ixtlan de Carlos Castaneda…), la «Bibliothèque des Sciences humaines», riche des ouvrages d’Emile Benveniste, Georges Dumézil, Michel Foucault, François Jacob, Ernst H. Gombrich, Elias Canetti ou Erwin Panofsky, et la «Bibliothèque des Histoires», qui révéla au grand public les travaux des «nouveaux historiens», Georges Duby, Jacques Le Goff, Emmanuel Le Roy Ladurie... Pierre Nora a également dirigé cette vaste entreprise de réévaluation de l’identité et de la symbolique françaises que sont les sept volumes de Lieux de mémoire, parus entre 1984 et 1993… chez Gallimard.
Pourquoi êtes-vous devenu éditeur ?
Je pourrais dire rétrospectivement que j’étais fait pour cela. En réalité, c’est bien l’habit qui a fait le moin