Christine Angot est le genre d’écrivain dont on voit tout de suite que c’en est un, mais le genre d’auteur dont on apprécie les romans à retardement. Elle a une longueur d’avance sur ses lecteurs. Elle éclate les cadres, casse les formes, dénonce, crache le morceau, et «peut-être que ça ne sera pas de la littérature», dit-elle avec des accents durassiens dans l’Inceste, au chapitre «La Valda». «Il n’y aura que des souvenirs, chaque souvenir va être un arrachement à écrire.» Ce nouveau livre, qui va le plus loin possible dans le récit du cauchemar rencontre avec son père à l’âge de 14 ans, huit jours plus tard le monde s’écroule, il l’embrasse sur la bouche, dit qu’il l’aime semble de prime abord traiter d’autre chose. «J’ai été homosexuelle pendant trois mois» en est la première phrase. Elle renvoie à «J’ai eu le sida pendant trois mois», par quoi s’ouvre A l’ami qui ne m’a pas sauvé la vie. D’autres références interviennent au fil du texte comme autant de citations détournées d’Hervé Guibert, par exemple les notions de condamnation, de faillite, de secret.
Rappelons que l'homosexualité masculine était «la maladie de la mort» pour Marguerite Duras qui n'était pas non plus fana d'homosexualité féminine. Si Christine Angot fait le rapprochement avec le sida, ce n'est pas pour mettre en garde la terre entière contre l'amour entre gens du même sexe (encore qu'elle soit «consciente de son côté mortifère») mais pour expliquer sa propre impuissance en face