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Libération

Face aux piles. Genka dépossédé.Nicolas Genka. Jeanne la Pudeur, Flammarion, 191pp., 90 F. L'Epi monstre. Exils. 183 pp., 90 F.

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publié le 2 septembre 1999 à 0h39

Pour évoquer Jeanne la pudeur comme il faudrait ­ c'est-à-dire avec

sérénité ­, il faudrait faire comme si. Il faudrait faire abstraction du battage impudique accompagnant la réédition d'une oeuvre que la censure gaulliste décapita, au commencement des années 60. Il faudrait s'en tenir au texte. Essayer, du moins. Essayons, donc, mais ne nous leurrons pas: ne nous dissimulons pas l'évidence un peu obscène d'une «affaire Genka» (1) fatalement appelée à polluer la perception d'un texte qui vaut infiniment plus qu'un succès de scandale susceptible de définitivement blesser son auteur. Car nous vivons dans ce monde d'épiciers et de notaires. Genka, qui vit dans ce monde-là (même si observé depuis une campagne beauceronne), est bien barré pour en être deux fois victime.

On sait l'affaire: en décembre 1961, Christian Bourgois, éditeur chez Julliard, publia l'Epi monstre, puissant premier roman d'un auteur de 24 ans. L'Epi monstre conte l'histoire du double inceste du communiste et «fils de boche» Maurice Morfay avec, successivement, ses deux filles, Mauda et Marceline. La première est sainte sur le mode des folles d'amour, comme Thérèse de Lisieux (Calvados) ou Marie de Béthanie (Palestine) ­ son père et sa soeur la contraindront au suicide; la seconde, éternellement jalouse, n'aura de cesse que d'être semblablement aimée par son père; dans l'environnement effroyablement délétère d'une campagne infestée de curetonnerie, dans l'atmosphère empuantie par une guerre mondiale devenue fr