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Critique

Occupation littéraire. A travers quatre institutions, Gisèle Sapiro analyse, de 1940 à 1953, les clivages qui agitèrent le champ littéraire. Gisèle Sapiro, La Guerre des écrivains 1940-1953, Fayard, 807 pp., 220 F.

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publié le 9 septembre 1999 à 0h33

Le comportement des écrivains français pendant la Seconde Guerre

mondiale, dans leurs actes comme dans leurs écrits, a déjà fourni la matière d'une historiographie abondante, à quoi il faudrait ajouter les très nombreux mémoires, correspondances et journaux des acteurs et témoins de la période. Le mérite du volumineux ouvrage de Gisèle Sapiro est d'offrir la première synthèse de cette «guerre des écrivains», en s'appuyant autant sur les travaux existants que sur ses propres recherches, notamment dans les archives de l'académie Goncourt et du Comité national des écrivains (CNE). L'autre singularité de Gisèle Sapiro est de montrer comment cette «guerre» s'est aussi menée en fonction de clivages ou de rapports de force antérieurs et propres au champ littéraire, comme par exemple entre traditionalistes et avant-gardes ou entre moralistes et tenants de l'art pour l'art. Enfin, en poussant son étude jusqu'au début de la guerre froide, l'auteur peut souligner le déclin de l'influence des organisations issues de la Résistance parmi les intellectuels et la revitalisation des pôles les plus réactionnaires à la faveur notamment des procès staliniens en URSS.

Certaines figures dominent l'ouvrage (Mauriac, Paulhan, Drieu la Rochelle, Duhamel, Aragon, Vercors), d'autres sont très peu présentes (Céline, Cocteau, Giono, Malraux, Char, Camus): ce ne sont pas tant leurs itinéraires singuliers qui sont ici mis en valeur que la façon dont leurs parcours s'inscrivent dans les affrontements politiq