«Comme écrivait Vauvenargues"», «C'est je crois saint Thomas qui disait"»: Jean d'Ormesson est l'un des derniers spécimens audiovisuels de joli causeur à la française. Quand il parle, ce play-boy miniature aux yeux de violette ne cesse de monter sur des citations, ses échasses. Il a des ancêtres, des humanités, une belle vie et, semble-t-il, des lecteurs. Et bien sûr, face à Pivot, dont il est vendredi l'unique invité, le vieil homme de bonne famille fait des mots, des bons mots, sur tout, sur rien, et en particulier sur les malheurs du monde et la tristesse de la vie. On croirait lire, en l'écoutant, les pages roses d'un de ces dictionnaires reliés cuir achetés au mètre par les bourgeois: le Petit Jean illustré.
Parmi tous les morts cités dans son dernier livre, le Rapport Gabriel, il y a donc Mitterrand. Petit Jean fut le dernier à manger avec François le Grand à l'Elysée. Comme ils devisaient sur l'affaire Bousquet, le président aurait dénoncé le «lobby juif», ce que rapporte l'académicien «sans commentaire». Ces deux mots ont fait couler de l'encre et, sans doute, vendre quelques livres. D'Ormesson, coquelet fripé, redresse le menton, et, montant dans l'aigu comme un adolescent, déclare: «On me dit: 'Il l'a p'têt'dit, mais fallait pas l'répéter. Pas vous, pas comme ça, pas maintenant!'» Un silence. Il ferme les yeux, les rouvre, croise les bras, préparant sa cadence, puis, comme au théâtre, fait mine d'exploser: «Pas moi? Pas maintenant? Mais pourquoi? Je fais ce que je v