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Libération
Portrait

Rapporteur d'outre-tombe.

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Jean d'Ormesson, 74 ans. Dans son dernier ouvrage, l'académicien prête à Mitterrand des propos antisémites.
publié le 15 septembre 1999 à 0h43

Comment supporter la disparition de son ennemi préféré? En giflant son cadavre. Comment endiguer la vieillerie qui gagne, l'ouïe qui se durcit, l'impression que le temps est passé et jamais ne reviendra? En crachant sur la tombe de celui qui vous fit un bel âge d'opposant académique, de bretteur chouchouté, d'égratigneur complice.

Jean d'Ormesson et François Mitterrand. Joute pas si simple entre le sceptre et la plume, entre le spectre et l'éternel jeune homme. On y trouve autant de mépris réciproque que de connivence jouée, d'instrumentation retorse que de séduction avérée. Même culture classique, même goût des femmes, même jouissance à dîner avec le diable. Histoire de fissurer le masque de sa réputation de légèreté, de badinerie, de badinage, le survivant s'est offert un lourd coup de pied de l'âne. Dans son dernier livre, d'Ormesson relate son dernier petit-déjeuner à l'Elysée. Il raconte comment, ulcéré par l'évocation de Bousquet, Mitterrand aurait lancé: «Vous constatez là l'influence puissante et nocive du lobby juif en France.» Déflagration à retardement, scandale de jouvence pour le petit rapporteur d'outre-tombe. Puisque le stigmatisé n'est plus là pour se défendre, Mazarine monte en Antigone sur ses grands chevaux d'orgueil bafoué, Françoise Giroud, 82 ans, tance Petit-Jean, 74 ans, ce garnement qui n'a «pas pu se retenir de faire dans sa culotte», et Bernard Frank, dans le Nouvel Obs, étrille le courage tardif de l'éditorialiste du Figaro: «Pour se moquer d'Hersa