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Libération
Critique

Jean Echenoz, Arctique de Paris.

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Deux ans après «Un An», juste retour d'Echenoz avec «Je m'en vais».
publié le 16 septembre 1999 à 0h41

Un nouveau livre de Jean Echenoz est un peu comme un cadeau, on est

heureux, heureux qu'il ait pensé à nous, on s'attarde sur l'emballage, et, pour tout dire, on a peur d'être déçu. Non pas qu'on manque de confiance en lui, au contraire, mais en prenant le livre en main, on se rappelle la fragilité de sa littérature, cette littérature de la fragilité, de la modestie, de la drôlerie, tirée sur un fil tendu où le moindre faux pas vous jette dans un vide sans écho. On lit les quatre lignes écrites derrière: «Ce n'est pas tout de quitter sa femme, encore faut-il aller plus loin. Félix Ferrer part donc faire un tour au pôle Nord où l'attend, depuis un demi-siècle, un trésor enfoui dans la banquise.» C'est tout un art d'écrire derrière les livres. On le retourne, on le regarde en face, Je m'en vais, dit le titre. On va le lire, le livre aussi commence ainsi: «Je m'en vais, dit Ferrer, je te quitte. Je te laisse tout mais je pars.» Quatre fois «je» pour deux petites phrases. Ce «je»ci, on le connaît, c'est Ferrer, Félix Ferrer. On pourrait presque dire qu'on le reconnaît si on avait bien lu le précédent livre de Jean Echenoz, Un an, mais là, c'était Victoire qui partait, Félix, on le laissait pour mort. Ça n'a rien à voir. On tourne la page. Page 9: «Il parvint au sixième étage moins essoufflé que j'aurais cru», c'est Ferrer qui parvient au sixième étage, il va frapper deux coups légers sur la photo d'un ex-matador qu'on a punaisée sur la porte. Ce n'est donc pas lui le «je» qui a