Cochin est bien un récit de voyage. Il s’agit un peu de Cochin dans le Kerala, où Hervé Prudon est allé deux fois, étant d’une génération (il a eu 20 ans en 1970) qui visitait volontiers les comptoirs de l’Inde, et les autres aussi d’ailleurs. Mais il s’agit surtout de Cochin à Paris, un de ces hôpitaux comme des villes, où il a séjourné à partir de 1997, dans différents quartiers. D’abord à Joffroy, pavillon psychiatrique, étant d’une génération encline à diagnostiquer le déraillement mental et à trouver les maux pour le dire. Puis à Achard 9, 9 pour neuvième étage, Achard pour cancer. Il a un rat dans la poitrine: «Il m’a envahi, il occupe le nord de mon corps, au-dessus du diaphragme, un jour je collabore et l’autre je résiste.» Il a un passé de tortures diverses endurées sans se plaindre, pas plus qu’il ne se plaint de son sort présent. S’il s’établit un jour une anthologie des textes littéraires consacrés à la fibroscopie, il y aura les passages de Cochin où Prudon décrit comment on le scrute à l’intérieur. A Bichat-Beaujon, vers 1974, on lui descendait un tuyau dans le gosier, avec un ballon au bout, gonflé ensuite de manière à faire éclater le noeud de nerfs qui étranglait l’oesophage. C’est moins l’horreur aujourd’hui, mais il y a des cartographies dont on préférerait ne pas être le territoire.
Prudon prend des notes: «J'ai noté: je reste un guetteur.» Il a un regard absolument dénué de malveillance. «J'ai noté: vétusté des locaux. L'Inde partout, l'import-export, le