On dit Bober et Dumayet, pour les petits chefs-d'oeuvre de
littérature qu'on voit parfois à la télévision, comme on dit Borg and Beck pour les embrayages, anglais. Maintenant, on peut dire, à une lettre près, Berg et Beck, puisque c'est le titre du dernier roman de Robert Bober, où l'on rencontre un Brossard, comme dans les livres de Dumayet. Dès les premières pages on se dit qu'on a eu tort de penser aux embrayages, mais c'est trop tard, on y a pensé. Il faut ravaler sa salive.
Joseph Berg et Henri Beck ont onze ans en 1942, ils fréquentent la même école communale, rue du Moulin-des-Prés, à la Buttes-aux-Cailles, à Paris, Beck est toujours premier, Berg deuxième. C'est tout à la fois un point commun et une différence. De Beck, Berg dira qu'être premier était son seul signe particulier. Il le dira au passé parce que bientôt, c'est au passé qu'il faudra parler de cet enfant de onze ans. Le père de Beck tient une épicerie, celui de Berg est cordonnier, dans la même rue. Ils s'attendent au coin pour aller en classe ensemble, ils aiment les courses cyclistes du Vélodrome d'Hiver.
Le 8 juin 1942, ils se découvrent un autre point commun en arrivant à l'école, une étoile jaune cousue sur la poitrine. Le 16 juillet 1942, les Berg échappent à la rafle du Vél' d'Hiv. Pas les Beck. «Pour Henri Beck, il n'y a plus eu de rentrée des classes. Son absence ne fut pas remarquée», page 21. Page suivante, Berg ajoute: «Il était seulement passé dans un moment de ma vie et nous avions été amis.»
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