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Critique

Souviens-toi d'oublier. En suivant le fleuve Léthé, de Platon à nos jours, de saint Augustin à Proust, jusqu'au souvenir d'Auschwitz, un voyage dans les creux de la Mémoire. Harald Weinrich. Léthé. Art et critique de l'oubli. Traduit de l'allemand par Diane Meur, Fayard, 316 pp., 135 F.

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publié le 23 septembre 1999 à 0h49

Quoi de plus naturel, de plus courant, que d'oublier? Et pourtant,

quoi qu'on n'ait écrit des méthodes que pour développer la mémoire, oublier peut s'avérer aussi problématique que se souvenir et demander tout un savoir, dont Léthé. Art et critique de l'oubli, d'Harald Weinrich, se veut un vaste balisage. Après avoir enseigné la littérature comparée dans diverses universités allemandes, celui-ci a été titulaire de la chaire de langues et littératures romanes au Collège de France, où il vient juste de prononcer sa leçon terminale. C'est à la littérature européenne que sont empruntés les nombreux exemples émaillant cette «histoire culturelle» de l'oubli (et de la mémoire). Histoire événementielle, mais surtout histoire intellectuelle qui fait une large place à l'anecdote éclairante, à des histoires donc, aussi spirituelles que cocasses, des temps homériques jusqu'aux conditions du souvenir et de l'oubli dans la société moderne de l'information.

Selon la mythologie grecque et latine, Léthé est le nom d'un fleuve des enfers qui dispense l'oubli aux âmes des trépassés. Il faut boire de cette eau-là, moins pour ne plus regretter la vie que pour être prêt à d'autres réincarnations. Les Grecs eux-mêmes balançaient entre une conception valorisant au maximum la mémoire et une autre qui la disqualifiait car, encombrée, celle-ci finit pour ne pas laisser de place à la nouveauté. Que l'humanité allait vers une perte de mémoire, cela ne faisait pas de doute pour Platon, qui paradoxalement e