Ce sont des phrases qui ne livrent pas leur mystère. On peut prendre
un marteau et taper dessus, elles ne se fendront pas. On peut les citer, aussi, dans l'espoir qu'elles parlent d'elles-mêmes toutes seules, mais elles ne diront rien. Elles ne payent pas de mine, sont terriblement intelligibles, semblent ne laisser place à aucune ambiguïté, et elles mènent le lecteur, d'une traite, jusqu'à la dernière ligne, dans une machination. Clémence de Biéville est coutumière de cette clarté intrigante, qui échappe au lieu commun, sans jamais chercher l'originalité. L'amour en grippe est son quatrième roman et le premier écrit sous un seul angle: celui d'une femme solitaire et autodépréciative qui observe sa soeur et sa nièce tomber amoureuses d'un homme avec qui elle a vécu en cachette à Paris quand elle était étudiante. Elle croit ne pas être jalouse. Elle l'est. Elle formule sa jalousie: «D'une certaine façon, c'était cela le pire. Que Charles, cet homme qui avait été le mien, et me l'avait fait payer si cher, pût rendre ma soeur heureuse.» Cela se passe en Franche-Comté, dans une maison sans cloison: tout se voit, tout s'entend. La narratrice, qui n'est jamais nommée, habite cet «Aquarium quelques mois». «La vie que nous menions manquait peut-être de fantaisie, mais elle était tranquille, et nous accordions son prix à la tranquillité.»
L'intrigue rappelle Théorème, de Pasolini, mais l'homme qui survient n'a rien d'angélique. C'est un réalisateur de télévision un peu rassis, bien qu