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Libération

La foire d'Alger au régime Sansal.

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Y a-t-il des livres dans les librairies? Qui est Boualem Sansal? Reportage au Salon international du livre d'Alger, le premier depuis onze ans.
publié le 30 septembre 1999 à 0h55

Alger, envoyée spéciale

Porté par un nuage de courtisans, le Premier ministre algérien entre par une porte pour couper les rubans de l'inauguration. Par l'autre, sort, seul, l'ancien ministre de la Culture qui a organisé l'événement. Il a été limogé au printemps dernier en plein conseil d'un remerciement lapidaire: «Monsieur, sortez, désormais vous n'occupez plus ce poste.» Une femme l'embrasse à la volée. Les têtes se tournent. Qui peut-elle être? Sait-elle, pour la disgrâce? «C'est celle dont le mari a été assassiné à Oran en 1994, le dramaturge. Il allait acheter des gâteaux.» Les éventails frémissent. «Oh pardon.» Parler d'autre chose. «Quelqu'un a vu les livres?» Rires. «Ma chérie, cela fait tellement longtemps que je n'en ai pas aperçu un que je ne suis pas sûr de pouvoir reconnaître à quoi ça ressemble.» Après onze ans d'interruption et une guerre civile qui fit officiellement plus de 100 000 morts, le Salon international des livres vient d'être inauguré à Alger. Il y a une foule terrible, des grands éditeurs français (Gallimard, le Seuil, Julliard, Flammarion...) qui n'avaient pas traversé la Méditerranée depuis des années. Trop de peur. Plus assez d'argent. L'Algérie, qui fut le plus grand marché du livre francophone (hormis Paris) jusqu'aux années 80, a vécu sans un bouquin, ou presque, depuis dix ans. «Comme on n'avait rien à lire, on a écrit», plaisante une jeune femme, qui vient d'achever le manuscrit d'un roman policier et cherche timidement à parler contrat.