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Critique

Le Carré, l'as d'épique Le maître du roman d'espionnage insuffle dans «Single &Single» les accents de l'épopée pour dénoncer les mafias qui rançonnent les démocraties. John Le Carré. Single & Single, Traduit de l'anglais par Isabelle et Mimi Perrin. Le Seuil, 392 pp., 139F.

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publié le 30 septembre 1999 à 0h56

La fin de la guerre froide a jeté dans l'embarras la plupart des

romanciers d'action anglo-saxons. Certains se sont reconvertis dans le roman historique, d'autres, comme Len Deighton, ont sombré corps et plume. John Le Carré, depuis longtemps versatile et ami du risque, mais aussi et surtout remarquable écrivain, a pris soin de se distancier de ses confrères, et imitateurs, sans renier pour autant un genre dont il s'est fait le moraliste absolu. L'auteur d'Un pur espion, le créateur de George Smiley ­ ne s'est jamais départi de l'idée que les membres de l'Intelligence Service formaient une confrérie de preux chevaliers à l'idéal patriotique bien ancré, auxquels il n'a cessé de rendre hommage sur le mode lyrique. Seulement, les temps ont changé. Le Carré, se rappelant les grandes heures de ce qu'on appelait dans les années 20 le «le roman d'intrigue internationale» a renoué avec sa volonté de dénoncer la corruption planétaire, par un mode de récit éprouvé. L'espiocratie a laissé place à une forme de banditisme de haut vol qu'il a parfaitement su peindre dans le Directeur de nuit, et le Tailleur de Panama. Le tempérament dickensien de Le Carré se retrouve dans Single & Single, où s'affronte un couple père-fils loin du petit monde feutré du MI5 et de ses intrigues embrouillées. L'action démarre avec le meurtre d'un avocat d'affaires piégé par des mafieux dans un petit port de Turquie. Le lecteur est tout de suite pris au piège d'une fantaisie faussement discordante où se mêlent