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Libération
Critique

Rushdie, chaos tectonique . Tremblements de terre, emballement médiatique, rock-stars psychotiques. L'auteur des «Versets sataniques», dont la seule patrie reste l'écriture, met en scène toutes les démesures du temps. Salman Rushdie, La Terre sous ses pieds, Traduit de l'anglais par Danielle Marais, Plon, 540pp., 169F.

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publié le 30 septembre 1999 à 0h56

Ce n'est pas une coïncidence si la Terre sous ses pieds commence le

14 février 1989, le jour funeste où un tyrannique ayatollah a édicté contre l'auteur sa mortelle sentence. Si ce jour-là un séisme a éventré sa vie, Salman Rushdie, dans son nouveau roman, a fait de cette date celle d'un tremblement de terre au Mexique: son héroïne, Vina Aspara, rock star mondiale née en Inde et grandie aux Etats-Unis, y meurt au terme d'une gigantesque carrière menée en duo avec son premier et éternel amour, lui aussi Indien de Bombay, Ormus Cama. Le destin chaotique de ces deux êtres d'exception, profondément traumatisés par des enfances meurtrières, est raconté par Rai Meerchant, reporter photographe, ami de jeunesse d'Ormus et amant malheureux de Vina. Tout en Ormus et Vina est extrême et tragique, leur amour, leur «célébrité totémique», jusqu'au délire mondial qui suit la mort de Vina.

En choisissant pour sa fable des chanteurs adulés, dieux vivants autant qu'êtres paumés et manipulés, voire psychotiques, Salman Rushdie peut mettre en scène toutes les démesures, toutes les caricatures du temps. Malgré ou du fait de leur immense puissance, Vina et Ormus sont plus que jamais des êtres irréels, des icônes abstraites, des jouets aux mains d'un système féroce et d'une opinion férocement versatile. Et en faisant de son narrateur un observateur professionnel - l'art du photographe serait de se rendre invisible pour mieux saisir «Ce Qui Arrive Vraiment» -, ayant démarré sa carrière sur une imp