L'attribution du prix Nobel de littérature à Günter Grass est une bonne nouvelle pour l'Allemagne (et pour Günter Grass lui-même), qui a entretenu, ces dernières années, une relation conflictuelle avec son écrivain le plus célèbre. Le jury suédois, toujours aussi soucieux des équilibres politiques, vient manifester par son choix que la guerre est finie. Le dernier affrontement avait eu lieu en 1995, quand l'auteur du Tambour avait publié Toute une histoire, roman où l'on avait vu l'Allemagne de l'Est annexée par sa puissante voisine, comme dans un vulgaire Anschluss. Marcel Reich-Ranicki, le critique allemand le plus influent, avait alors fait la une du Spiegel avec une photo qui le montrait éructant et brandissant dans chaque main une moitié du livre qu'il venait de déchirer. C'était d'autant plus frappant que les autodafés sont plutôt rares dans l'Allemagne postnazie.
Tailleur de pierre. Dès 1966 et Les plébéiens répètent l'insurrection, Grass, toujours marqué à gauche, s'en était pris à Bertolt Brecht et aux intellectuels qui ne savaient pas passer à l'acte. Sans compter que le Tambour, en 1959, qui fit sa réputation, était déjà une manière originale de revisiter le nazisme.
Günter Grass est né en 1927 à Dantzig, «dont l'histoire allemande s'est arrêtée en 1945» (la ville est devenue Gdansk, où est né le mouvement Solidarité, de Lech Walesa). A la fin de la guerre, l'adolescent enrôlé comme auxiliaire dans l'armée de l'air est fait prisonnier par les Améric