C'est un roman sur l'exil, le récit d'une errance longue de toute
une vie passant de défaites en défaites entre Istanbul, Alexandrie, Le Caire, Alep, Beyrouth, Antioche et tant d'autres cités de l'Orient compliqué. C'est un livre sur l'absence et la poursuite des chimères, la femme aimée comme la patrie toujours rêvée et toujours inaccessible. La vie du héros de la Poursuite de l'ombre, Mehdum Selim, «l'intellectuel kurde, la conscience du peuple opprimé, le libertin qui court après les plaisirs», a ainsi été un combat pour rien, un aveuglement volontaire et librement assumé, qu'il ne regrette pas à l'heure du bilan et de la mort. Le ton est tour à tour triste et ironique. Le rythme est celui des vieilles ballades de la littérature populaire du plateau anatolien et rappelle celui des grands récits de Yachar Kemal. Le célèbre écrivain turc d'origine kurde préface d'ailleurs ce livre «où la légende parle sans se forcer la langue du roman», écrit par un auteur pour lequel il ne cache pas son admiration: «Il a réussi à créer une modernité qui soit le produit de l'intime transmutation d'une tradition.» Ce roman est justement le plus célèbre de Mehmed Uzun, inconnu en France bien qu'auteur déjà de quinze livres traduits en une demi-douzaine de langues dont le turc. Il vient de lancer un appel à Istanbul avec notamment les romanciers Yachar Kemal et Ohran Pamuk pour une reconnaissance de la culture kurde en Turquie. Ce livre, comme les autres de cet écrivain qui vit exilé en Suède