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Libération
Critique

Le Paki se tend. L'Anglo-Pakistanais, écrivain et scénariste de «My Beautiful Laundrette», stigmatise avec une colère amusée aussi bien les fachos que les intégristes de l'Islam, les conservateurs et les travaillistes. HANIF KUREISHI, Bradford, Traduit de l'anglais par Annick Le Goyat et Philippe R. Hupp. L'esprit des péninsules, 113 pp., 85 F.

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publié le 14 octobre 1999 à 1h10

Voici trois courts essais, trois textes à gueule de nouvelle,

seulement trois, on dépasse à peine les cent dix pages. Au sortir, pourtant, c'est un pavé, un mille-feuilles qu'on a le sentiment d'avoir englouti. Et puis il nous reste sur l'estomac, et ça dure, ça déglingue un peu, on se sent patraque. Un vrai pavé de cent pages, rien à dire. Il y a que Kureishi sait de quoi il parle, puisqu'il parle de lui.

Hanif Kureishi est né de parents anglo-pakistanais en Grande-Bretagne en 1954. Une mère est blanche, un père qui ne l'est pas, et la grisaille anglaise. Ajoutez à cela qu'il écrit (le scénario de My Beautiful Laundrette, entre autres bonnes choses) et vous aurez posé la plupart des termes de l'équation Bradford. Comment un Anglais, fils de «Paki» , urbain et brun, occidental d'Orient ou inversement, vit-il aujourd'hui? De la banlieue londonienne à Karachi au Pakistan, combien de kilomètres de racines? Et ça fait quoi d'avoir subi le racisme tous les jours depuis qu'on a 5 ans? Réfléchir d'abord, écrire aussi. Mais Kureishi a la colère amusée, la distance juste. Une beauté rachète bien trois ou quatre laideurs, il le sait, et puis il y a l'humour. Il mate les mots comme les idéologies, stigmatise le fasciste pâlot aussi bien que l'islamiste exhumeur de racines pourries. Il brocarde les politiques, les conservateurs parce qu'ils sont de droite, les travaillistes parce qu'ils sont conservateurs.

Bradford, c'est une première génération d'immigrés, amadoués et invités à rejoindr