Jean Rouaud, on n'aurait pas cru que c'était son genre de mettre une de ses propres phrases en exergue, «Elle ne lira pas ces lignes», et le titre Pour vos cadeaux, encore moins de citer des pages entières de son livre précédent, en italique. Non ce n'est pas son genre, mais cette fois il était obligé. Pour vos cadeaux avait déjà l'air de clore ce qu'il appelle sur la quatrième de couverture, «une sorte de livre des origines», quatrième volet de ce cycle familial, où Rouaud explore son chagrin de jeune orphelin de père (il avait 11 ans) puis de mûr orphelin de mère, mais lorsqu'on écrit le testament des autres, ce n'est pas si simple de tourner la page, il y a toujours des codicilles qui se perdent. Surtout que dans Pour vos cadeaux, le livre de sa mère, au fond, ce n'était plus tellement lui l'orphelin, mais elle, orpheline de son homme.
Jean Rouaud, après l'avoir publié, voici deux ans, a continué de rouler dans sa tête le texte de Pour vos cadeaux, entre repentir et consolation, au point de ne plus l'appeler in petto que PVC, comme un vulgaire polychlorure de vinyle. Ces «Elle ne lira pas ces lignes, notre miraculée des bombardements», «Elle ne lira pas ces lignes la petite silhouette ombreuse», «Elle ne lira pas ces lignes, notre enragée de mort et de chagrin», «la petite silhouette blafarde qui se vide inexorablement de son sang» ont tant résonné dans le coeur de Rouaud, qu'elle a fini par les lire, là-bas, dans son ciel, (disons qu'il lui a permis de les lire, qu'il a i