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Libération
Interview

Biamonti, Ligure de style

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Sous la lumière de la Méditerranée, les soubresauts de la fin d'un monde minéral. Entretien avec le plus sophistiqué des autodidactes, éleveur de mimosas.
publié le 21 octobre 1999 à 1h16

Si Francesco Biamonti était un philosophe, on le rangerait parmi les existentialistes torturés et pessimistes. Romancier, il a le style le plus lumineux et le moins conceptuel qui soit. La raison en est sûrement philosophique: occupé par la question de l'Etre, il a appris par la phénoménologie, une fois pour toutes, que la vérité du monde est écrite à la surface des choses. Né en 1933 à San Biagio della Cima, un petit village (où il vit encore) dans l'arrière-pays ligure au-dessus de Bordighera, Biamonti est le plus sophistiqué, le plus cultivé des autodidactes. En Ligurie, on est ou marin ou paysan. Son frère étant devenu capitaine dans la marine marchande, Francesco est resté à terre pour y cultiver les mimosas, pour lire et écrire. Il a publié tard, à presque 50 ans, mais le succès a été immédiat. Les Paroles la nuit est son quatrième roman traduit en français (1). A la frontière entre l'Italie et la France, deux humanités se croisent, ne se comprennent pas et se font peur. Les uns, clandestins, vont ouvertement à la recherche d'un nouveau monde qui les sauve de celui, misérable, qu'ils ont quitté; les autres, les habitants, se cachent pour les regarder passer, avec la conscience confuse de la fin de leur propre monde. La lumière méditerranéenne vient donner une consistance minérale à un univers paysan à jamais muet, à une mer qui n'appelle plus personne, aux pulsations de plus en plus décharnées de l'âme, alors que, l'obscurité venue, les paroles échangées tentent une de