Les petits livres de Raisons d'Agir, voulus par Pierre Bourdieu
(tels les Nouveaux chiens de garde de Serge Halimi, ou Sur la télévision et Contre-feux de Bourdieu lui-même) ont pour fonction, si on ose dire, de marcher dans le plat, sinon d'arriver comme une grenade dans le mur du consensus. Parmi les philosophes d'aujourd'hui, Jacques Bouveresse est celui qui sait le mieux les tirer, les grenades, et qui le fait avec le plus de naturel. Soit parce qu'il ne craint pas le risque, est précis, écrit sans fioritures, et sait mettre les procédures argumentatives en soutien de son geste. Soit parce qu'il est de tempérament plutôt acariâtre, un mouton noir, mécompris, fustigé par les médias qu'il fustige, méprisé par un «monde intellectuel» qu'il méprise et qu'il considère, soit-il professeur au Collège de France, comme n'étant pas son monde. Il était donc tout désigné pour signer la nouvelle livraison de Raison d'Agir, Prodiges et vertiges de l'analogie: une philippique contre l'«abus des belles-lettres dans la pensée».
On se souvient de l'«affaire Sokal»: en 1996, ce physicien, pour montrer le laxisme dont font preuve aux Etats-Unis tant les cultural studies que les science studies, et rendre ridicule l'infatuation pour la pensée française qui y domine, réussit à faire passer dans une revue réputée sérieuse un vrai-faux article, truffé de formules «postmodernistes», de citations et d'énoncés scientifiquement absurdes. Du canular naissent les Impostures intellectuelles (1) de Sokal