Faut-il prendre Mussolini au sérieux? Homme politique de
l'avant-guerre, Paul-Boncour ne le croyait guère, considérant volontiers le Duce comme un «César de Carnaval». Vision ratifiée par quelques historiens prompts à réduire le fondateur du fascisme à un jouet du grand capital sacrifiant son idéologie sur l'autel de l'opportunisme. La biographie que Pierre Milza, fin connaisseur de l'Italie et du fascisme, consacre au dictateur s'inscrit en faux contre ces thèses réductrices et incite à prendre la mesure d'un personnage plus complexe que sa légende.
Le parcours de Benito Mussolini n'est pas d'une parfaite linéarité. Issu d'un milieu modeste, le futur dictateur milite avant-guerre, on le sait, dans les rangs du Parti socialiste italien dont il devient rapidement le jeune condottiere. La guerre provoque une première rupture. Au rebours de ses compagnons d'armes, il opte pour l'intervention; il espère que la guerre forgera une nouvelle élite susceptible de déclencher la révolution qu'il appelle de ses voeux. Cet engagement le coupe, en 1918, du socialisme italien dont il flétrit la mollesse et blâme l'internationalisme. Il se tourne alors vers les milieux combattants dont il a saisi les frustrations. Sans pour autant basculer à droite. Contestataire mais non révolutionnaire, aspirant à la justice sociale tout en répudiant un marxisme à ses yeux dépassé, il invente une forme politique , le fascisme, qui, en 1919, reste un mouvement marginal. Pour peu de temps. Cristallisant les