Londres, envoyé spécial
On sait l'histoire de ce roi perse qui, s'étant mis en devoir de s'instruire, demande à ses conseillers d'écrire pour lui toute l'histoire de l'humanité. Au bout de vingt ans, ceux-ci lui offrent cinq cents ouvrages. «Je n'aurai jamais le temps de les lire!», dit le roi. Cinq ans après, on lui apporte une édition en cent vingt volumes. Encore trop. Cinquante volumes, vingt, dix, cinq" L'un des érudits, enfin, lui explique tout en trois mots: «L'homme naît, souffre et meurt.»
On n'atteint pas toujours à une semblable sagesse lorsqu'on avise, par exemple, de faire l'histoire des arts de tous les peuples, l'histoire de toutes les littératures, de toutes les pensées, l'histoire de toutes les histoires. Même saisir, en une synthèse, telle époque ou telle culture parfois désespère, et il arrive qu'une seule année exige autant d'ouvrages que ceux que les doctes proposèrent d'abord au roi Zémir. Et un siècle? Peut-on en rendre raison sans se résoudre à en dire trois mots !guerre, génocide, totalitarismes! ni se condamner à bâtir une bibliothèque entière? Eh bien, oui. Eric J. Hobsbawm l'a fait, en un unique volume, qui paraît aujourd'hui: l'Age des extrêmes ! Histoire du court XXe siècle. Disons-le d'emblée: ce qui eût pu relever d'une gageure est un livre d'exception, sans équivalent. Né à Alexandrie, membre de la British Academy, professeur au Birkbek College de Londres et à la New School for Social Research de New York, aujourd'hui à la retraite, Eric John