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Libération

Face aux piles. Une femmeBrigitte Bardot, le Carré de Pluton, Grasset, 693pp., 140F.

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publié le 28 octobre 1999 à 1h23

D'abord, soupeser ça, ce poids de mort, dense rectangle de sept

cents pages serrées adorné d'extravagantes dédicaces, de deux cahiers de photos de familles et d'annexes mégalomaniaques ­manifestes animaliers, tristes dessins d'«humour» et déclarations d'amour en vers de mirliton. Humer ça, ces colliers d'exclamatives, ces chapelets de points de suspension, ces qualificatifs en séries démultipliées, moins accumulés pour tirer à la ligne que pour faire entendre, dans la redondance et le pléonasme, une douleur obscène et réelle qui, ne sachant s'écrire, se hurle et, ce faisant, signifie indubitablement que Brigitte Bardot est bien l'auteur du Carré de Pluton (une conjonction astrale désastreuse) ­tome deux de mémoires dont le premier volume revendique un demi-million de lecteurs. Puis, résolument, lire. Ne pas seulement feuilleter pour glaner ça et là les justificatifs de préjugés trop fondés. Ne pas s'arrêter au scandale et au Front national. Se contraindre à lire vraiment. Tourner toutes les pages, se confronter à tous les mots: «pédé comme un phoque», «connards», «couilles au cul», «députés de mes deux», «mes gardiens sont des enculés», «gouinasses», «tête de cul», «je vous emmerde», «allez vous faire foutre», «enfoirés de merdouille», «vos syndicats, vous pouvez vous les mettre au cul», «bite qui n'a jamais servi». Etc. Ne pas s'arrêter à un lexique obsessionnellement ordurier. Ne pas l'analyser. Renoncer à entendre ce que signifie, à propos d'une perquisition gendarmesque