Le jeu de mots est un peu le carburant de la psychanalyse, avec
toutes les associations d'idées qui peuvent s'en suivre. Aussi Philippe Grimbert est-il dans le moule quand, faisant allusion au proverbe bien connu, il donne à son livre sur la «psychanalyse du fumeur» le titre de Pas de fumée sans Freud. Or, comme à son habitude, l'inconscient semble dire le contraire de ce qu'il veut dire. L'ouvrage démontre en effet que la fumée se serait probablement bien portée même sans Freud, alors que la psychanalyse n'aurait sûrement pas vu le jour si son maître fondateur n'avait pas eu son éternel cigare à la bouche. Le drôle dans l'affaire c'est que Freud, pour qui tout faisait pourtant sens, n'ait consacré que deux lignes, au détour d'une lettre, à sa dépendance nicotinique, son délice et châtiment, à l'origine du cancer du palais qui finira par l'emporter 1939, après seize ans d'atroces souffrances.
C'est à 24 ans que Freud commence à fumer, d'abord des cigarettes puis exclusivement des cigares. Cocaïnomane enthousiaste (il a découvert les vertus analgésiques de la cocaïne et il s'en est fait le propagateur zélé), il passe au tabac en raison de son efficacité anxiolytique et, surtout, parce qu'il semble développer chez lui sa capacité de travail. Il invente d'ailleurs un néologisme explicite pour désigner le tabac: Arbeitsmittel, la «substance de travail». Freud fume jusqu'à vingt cigares par jour, Perle, Reina-Cabaña, Soberanos" mais c'est aux Trabuccos, la fine fleur du monopole d