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Libération
Critique

Les plats perdus

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Les souvenirs d'enfance d'un gourmet normand où les madeleines s'appellent tripes, bouchées à la reine, camembert et calvados.
publié le 28 octobre 1999 à 1h23
(mis à jour le 28 octobre 1999 à 1h23)

Un enfant gourmand, c'est fréquent. Mais un enfant gourmet? Le nouveau livre du romancier Jean-Louis Maunoury est un florilège de souvenirs gustatifs, un «récit de bouche» (expression donnée en sous-titre) comme il y a des récits de vie. Il s'agit de l'histoire d'une famille envisagée à l'heure de se mettre à table. Il s'agit tout autant d'un traité culinaire où on sait toujours qui mange quoi. La Normandie est le cadre de ces agapes qu'elle fournit. Il était une fois Victor, dernier fils d'un agriculteur de la région de Domfront (Orne), qui s'engagea comme valet de chambre dans un château, apprit autre chose que le fricot des péquenots, et ouvrit un restaurant avec son épouse, Blanche, laquelle s'y connaissait en viande. Blanche était fille de bouchers, la mère devenue veuve avait repris l'affaire. Cette mère vaillante traverse Cènes comme une comète romanesque, on en verra d'autres, la tante Mélina, par exemple, millionnaire en «or liquide», le calvados. Elle rechignait à le servir. Les Allemands se sont passés de sa permission. Ou encore la tante Julia, personnage plus conséquent, célèbre pour son art de massacrer les restes.

Quant à Blanche, malade imaginaire qui devait en mourir malgré tout, elle est le repoussoir du tendre et rude Victor, héros à la haute silhouette. Victor et Blanche, sinistrés en 1944, s'installent chez leur fils cadet, père de l'auteur. La grand-mère maternelle, la bonne Thérèse, sinistrée de même, n'a jamais appartenu à l'aristocratie du goût (et