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Libération
Critique

Sur l'échelle de Richler. Rencontre avec le Canadien Mordecai Richler, dont le héros, un sexagénaire bougon, raconte sa vie avant de l'oublier.Un roman énergique et vibrant, comme son auteur. MORDECAI RICHLER, Le Monde de Barney, Traduit de l'anglais par Bernard Cohen. Albin Michel, 564 pp., 160 F.

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publié le 28 octobre 1999 à 1h23

Renseignements pris, la vie de Barney Panofsky, le héros, n'est pas

vraiment celle de Mordecai Richler, l'écrivain. Né au début des années 30, comme son personnage, Richler n'a pas eu trois femmes mais une seule et depuis quarante ans. Pas trois enfants mais cinq dont la toile, sur quoi on trouve tout en effet, fournit les prénoms, bibliques en diable: Daniel, Emma, Noah, Martha et Jacob. Pas une brillante carrière de scénariste quoiqu'il ait gagné un prix pour l'adaptation d'un de ses romans, mais un véritable talent d'écrivain. Jamais Richler non plus n'a été soupconné d'avoir assassiné son meilleur ami. Si Barney est son double, ce qui est bien possible puisque le Monde de Barney est son premier roman écrit à la première personne, c'est plutôt un double négatif, une sorte d'antiportrait. Richler, très faux modeste, est un peu d'accord mais il dit surtout: «J'écris depuis quarante ans et j'avais envie d'essayer quelque chose de nouveau, d'un peu original, parce que tout ce que je sais c'est qu'un jour vous montez dans votre bureau et vous en ressortez trois ans plus vieux et alors il faut bien s'amuser un peu.»

Le Monde de Barney se lit en moins de trois ans et on s'y amuse pas mal. Barney, sexagénaire bougon et alcoolisé, atteint d'un Alzheimer, raconte sa vie par écrit avant de l'oublier complètement: ses amours et surtout Miriam, ses amis, ses ennemis qui sont légion, et enfin ce moment fatidique où Boogie a disparu sans qu'on retrouve son corps. Le coeur du livre est ce