Samedi.
Le temps retrouvé de M. P.
Avec cinquante-cinq ans de retard, c'est comme s'il avait tenté de retrouver le chemin de Sigmaringen, ce bourg d'opérette où les collaborateurs français regroupés autour d'un maréchal sénile, après s'être distribué les portefeuilles ministériels comme des quartiers de Paris au Monopoly, n'avaient plus qu'une idée en tête, à quoi ils dépensaient leur énergie, leurs relations et leur argent: forcer le passage qui les mettrait à l'abri, de l'autre côté du lac de Constance, en Suisse. Faute d'y parvenir, Céline opta pour le Nord et le Danemark, où l'attendaient ses économies. Le Maréchal avait sans doute le bras plus long, qui s'y réfugia un temps, avant de se présenter devant ses juges.
Convoiter le pouvoir, intriguer pour y parvenir et s'y maintenir, s'enivrer de sa signature au bas d'un document quelles qu'en soient les conséquences, n'avouer jamais, ne regretter jamais, afficher la pauvreté de son imaginaire en affirmant que, si c'était à refaire, on remettrait ça, ne pas même envisager cette ironie du sort qui peut-être donnerait au cours de sa vie une autre direction, c'est à la portée de n'importe quel cerveau de type tibérien. L'ancien préfet de Gironde qui prenait sa raideur pour de la dignité et sa suffisance pour de la distinction nous a juste apporté la preuve que cet imaginaire atrophié de grand commis indifférent à autrui était resté bloqué du côté de sa jeunesse, car enfin, fuir en Suisse, se cache