Cela commence par presque rien, «quelque chose qui ne servait qu'à
séparer deux pressions d'air différentes. Une crevaison. Une voiture immobilisée. Le début d'autre chose». Quelques mois après cet incident sur l'autoroute reliant la RFA à Berlin-Ouest, le Mur tombe et la vie de quelques habitants en est bouleversée. Ou pas du tout, d'ailleurs, ce qui fait beaucoup d'espoirs déçus et un constat final lucidement glauque: «Il comprend ce que sait Picker et à quel point: les antalgiques n'existent pas, la douleur est seule au bout du chemin.» Comme Philip Hensher est anglais (il est né à Londres en 1965, ceci est son troisième livre mais le premier traduit en français), il a l'élégance de ne pas nous assommer de son désespoir. La Ville derrière le mur est un roman pince-sans-rire et faussement gai qu'on rattache sans trop de peine à la veine swiftienne de la satire sociale.
Certes, s'attaquer au milieu de l'art, aux groupuscules gauchistes ou à la famille comme refuge petit-bourgeois n'est pas de toute première originalité, mais Hensher réussit à être drôle grâce à la pugnacité des dialogues et à son sens des situations grotesques ou farfelues (la tête de porc en guise de bombe artisanale, l'ecstasy comme arme dans la lutte contre le socialisme). Faussement gai donc et vraiment gay puisque la Ville derrière le mur raconte, on ne s'en aperçoit pas tout de suite, la naissance de quelque chose qui est peut-être de l'amour entre Picker, obèse, et Friedrich, a priori hétéro. On suppos