C'était en 1983: Libération allait publier son numéro spécial
Pourquoi écrivez vous?, et attendait toujours la réponse du Zimbabwéen Dambudzo Marechera. Rendez-vous pris avec le jeune écrivain dans un bar de Harare, la capitale encore très coloniale du Zimbabwe: il arrive ivre mort. Nouveau rendez-vous le lendemain, un peu plus tôt dans la journée par précaution: même état, joyeux compagnon, mais incapable de répondre à la question posée. Il fallut recourir à une méthode radicale: le cueillir au saut du lit, avec un pot de café, pour, enfin, lui mettre le magnétophone sous le nez et obtenir une réponse, édifiante et désespérée.
Dambudzo Marechera est mort du sida, quelques années après cette rencontre. Mais sa réponse à la question «pourquoi écrivez-vous», et surtout son premier roman enfin traduit en français (la Maison de la faim) laissent de ce jeune écrivain le souvenir d'un homme révolté et brisé, d'un talent gâché. Une écriture d'une telle violence que Christiane Falgayrettes-Leveau, qui a inauguré avec ce roman une nouvelle collection de littérature noire aux éditions Dapper littérature, confie qu'on lui avait déconseillé de le publier. Trop cru, trop brutal, trop risqué" Comme si, ajoute-t-elle, cette violence, acceptée chez des auteurs français ou américains, était intolérable chez un Africain.
La Maison de la faim, écrit en exil à Londres alors que le Zimbabwe était encore la Rhodésie blanche de Ian Smith, a obtenu en son temps le prix de la Fiction du Guardian, et a