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Critique

Vichy dans tous ses étatsSelon l'historien Gérard Noiriel,le régime de Pétain n'aurait fait que prolonger les dispositifs idéologiques de la République. Compte rendu d'un ouvrage polémique et entretien avec son auteur. Gérard Noiriel. Les Origines républicaines de Vichy. Hachette Littératures, 336 pp., 120 F.

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publié le 18 novembre 1999 à 1h28

Directeur d'études à l'EHESS, Gérard Noiriel est aujourd'hui l'un

des historiens les plus féconds et les plus stimulants. Auteur de belles études portant sur Longwy, les ouvriers, l' immigration", il s'est surtout efforcé de ne jamais dissocier ses recherches d'un questionnement sur les pratiques de l'historien ­ interrogations formulées notamment dans un livre attaché à cerner la «crise de l'histoire». Autant dire que l'ouvrage qu'il propose sur les Origines républicaines de Vichy était sinon espéré, du moins attendu.

De fait, Gérard Noiriel défend une thèse simple mais fracassante. Loin de puiser dans le fonds contre-révolutionnaire pour nourrir son programme, le régime vichyste aurait, entre 1940 et 1942, prolongé les dispositifs idéologiques et législatifs de la République. La prospérité des années 1870-1929 avait permis au régime de défendre la petite propriété tout en encourageant la mobilité sociale ­ via le développement du secteur tertiaire. La crise des années 30 malmenait ce compromis. En fragilisant les finances publiques, la dépression limitait la marge de manoeuvre d'un Etat désormais pris en tenaille entre ceux qui souhaitaient une plus grande démocratisation et ceux qui réclamaient l'arrêt d'une politique menaçant leur statut. Avec la crise, les «déçus de la République» préférèrent les «communautés naturelles» (famille, profession, provinces") au modèle républicain prônant l'égalité et la fraternité. Un programme que Vichy s'empressait de reprendre.

Gérard Noir