La querelle autour de Peter Sloterdijk qui vient d'agiter les milieux intellectuels allemands n'est pas une querelle d'Allemands incompréhensible au public français. Elle s'inscrit dans la tradition bien française qui va de la querelle de l'humanisme dans l'après-guerre, en passant par celle autour du livre de Victor Farias sur Heidegger, jusqu'à celle suscitée par le Nouvel Ordre écologique de Luc Ferry au début de la décennie.
Le scénario est bien connu: la Querelle des Anciens et des Modernes, actualisée en Querelle des Anciens et des Postmodernes. Peter Sloterdijk (le Postmoderne) reproche à l'humanisme en général, et à Habermas en particulier (les Anciens), d'ignorer les possibilités ouvertes par les techniques génétiques, qui s'imposeront inéluctablement. Habermas reproche à Sloterdijk son eugénisme fascisant et condamne tout clonage humain.
La question du clonage humain est un enjeu éthique majeur qui nous concerne tous. Pourtant ce remake de la Querelle des Anciens et des Modernes n'est pas à la hauteur du sujet grave qu'il prétend trancher de quelques traits de plumes polémiques. Imaginons que les reproches mutuels soient justifiés. Qu'apprendrions-nous? Que l'eugénisme prétendument élitiste est condamnable? Que ce n'est pas le progrès technique, mais la morale qui doit décider du clonage? C'est évident. Que Sloterdijk serait sinon fasciste, du moins «fascisant», ou que Habermas serait un universitaire tyrannique? Ces accusations ad hominem sont exagérées et dépourvue